Le Dégoût
Existe-t-il vraiment des gens toxiques ?

« Ce mec me répugne ! »
« Je ne peux pas supporter cette attitude. »
« Rien que d’y penser, j’ai envie de vomir. »
Des phrases que nous avons sans doute prononcées ou pensées au moins une fois dans notre vie.
Pourtant, si nous avons tendance à voir le dégoût comme une réaction automatique face à quelque chose de « répugnant », il est en réalité bien plus profond et essentiel qu’il n’y paraît.
Le dégoût est une des cinq émotions fonctionnelles[1], avec le chagrin, la peur, la joie et la colère. Il joue un rôle clé dans notre développement.
Il s’agit d’un mécanisme de survie qui nous alerte via une réaction physique déclenchée pas le cerveau limbique pour nous éviter ce qui est nuisible à notre santé physique, émotionnelle ou relationnelle.
Mais que se passe-t-il quand nous refoulons cette émotion ou que nous ne savons pas comment la décoder correctement ?
Je vous emmène explorer cette émotion sous toutes ses coutures pour comprendre pourquoi elle est indispensable à notre équilibre émotionnel et à notre intelligence émotionnelle. Vive le dégoût quoi !
Les trucs et les gens toxiques !
D’abord, mettons les choses au clair : le dégoût n’est pas une simple réaction subjective. C’est une alerte biologique et psychologique qui nous avertit de la présence d’un poison potentiel mettant en danger notre intégrité physique. Il intervient dans plusieurs domaines de notre vie :
- Le dégoût alimentaire qui nous alerte pour éviter d’ingérer des substances toxiques.
- Le dégoût moral qui nous alerte que nous pourrions nous sentir sale et devons rejeter des comportements jugés immoraux ou inacceptables socialement.
- Le dégoût social qui nous rappelle l’urgence de créer des frontières entre ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas dans nos interactions humaines.
- Le dégout relationnel qui prévient que la relation avec une personne ou un groupe de personne représente un haut risque toxique.
Il est beaucoup plus fréquent d’accepter des relations toxiques (comprendre : dans lesquelles nous nous dégoutons nous-mêmes) que de croiser ce qu’on appelle faussement des gens toxiques. Si des gens sont toxiques, ils rendent malades tout le monde par leur présence. Certes, ils existent.
Un dégout, des dégâts !
Quand le dégoût n’est pas exprimé sainement et que nous le gardons en nous sans le « ventiler » nous prenons le risque de dégâts visibles et invisibles en entretenant les humeurs qui en sont les cousines. Le mépris exprimé dans la distance pour nous éloigner des autres ou de leur donner envie de s’éloigner. L’ironie et le cynisme qui sont une manière détournée d’exprimer son rejet sans confrontation directe avec l’alibi de l’humour ou du trait d’esprit. Cette pratique est un gouffre relationnel à très haut risque pour les personnes qui ont de la répartie. Ou encore le dédain en adoptant une posture de supériorité hautaine qui masque bien souvent un profond malaise et un désir d’isolement mortifère.
Tout ça pourquoi ? Bien souvent parce que nous ne nous accordons pas la permission de rejeter ce qui devrait l’être sans autre raison que notre bonne santé.
Vous voyez où je veux en venir ? En ignorant notre dégoût ou en refusant de l’exprimer, nous nous exposons à des comportements qui nuisent à notre relation avec nous-même.
Si nous ne ventilons pas le dégoût correctement, cela peut se traduire par des tensions internes :
- Un malaise chronique : L’accumulation de ressentiments peut générer une perte d’amour de soi et un besoin de s’isoler.
- Un isolement social : Le mépris ou le cynisme peuvent éloigner les autres et nous enfermer dans une bulle de rejet.
- Un impact sur la santé physique : Maux de ventre, maux de tête, nausées ou encore tensions musculaires sont des manifestations possibles d’un dégoût réprimé.
Alors, comment faire pour ne pas tomber dans ces pièges ?
Le dégoût est une compétence élémentaire indissociable de notre intelligence émotionnelle
Plutôt que de le voir comme une émotion honteuse, il est temps de considérer le dégoût comme un guide interne. Il nous aide à :
- Définir nos limites personnelles et sociales
- Préserver notre bien-être émotionnel et physique
- Éviter les environnements ou comportements toxiques
En développant notre intelligence émotionnelle, nous apprenons à utiliser le dégoût de manière constructive au lieu de le laisser prendre le contrôle sous forme de cynisme ou de rejet systématique.
Question émotionnelle #1 : Savez-vous reconnaître les signaux d’alerte de votre dégoût avant qu’il ne se transforme en mépris ?
Si votre réponse est « Bof, pas vraiment », prenez le temps de vous autoriser à écouter cette émotion.
Le premier signal d’alarme, c’est lorsque la pensée devient rigide et implacable : « les gens sont écœurants « , « il n’y a rien à retirer de cette humanité infecte ».
Le deuxième signal d’alarme se manifeste lorsque nous ressentons une envie grandissante de couper court aux discussions ou d’éviter certains environnements.
Le vrai danger du dégoût, ce n’est pas de comprendre l’origine de notre rejet et d’entrer dans une spirale de mépris où plus rien ne semble valoir la peine en se trompant parfois de cible.
Mode d’Emploi Express : Apprenez à reconnaître le moment où la soupape doit lâcher
1. Le symptôme du corps qui parle
Quand le mental ignore le dégoût, c’est le corps qui prend le relais.
Cela se peut se manifester par une sensation d’oppression dans la poitrine ou la gorge, des nausées inexplicables, des maux de têtes ou encore une crispation musculaire (mâchoire serrée, épaules tendues).
À tester : Respirez profondément et identifiez la pensée qui vous traverse à ce moment précis. Est-ce une aversion naturelle ou un rejet exagéré ? Est-ce un rejet appris ?
Quoiqu’il en soit, sortez immédiatement de la zone empoisonnée ou vous vous trouvez pour recouvrer vos esprit.
2. Le symptôme de l’isolement grandissant
Vous trouvez que « les gens » sont moches et ils puent, vous évitez certains lieux ou personnes sans autre raison que le malaise, vous adoptez une attitude cynique pour garder un sentiment de maitriser la situation.
Le pire symptôme, vous commencer à vous dégoûter vous même sans trop savoir pourquoi Ou mais voilà, en cherchant bien, on trouve toujours, pas vrai ?
Deux questions à tester :
- « Ai-je communiqué mon inconfort de manière claire et directe ? » Si la réponse est non, il est peut-être temps de verbaliser votre ressenti plutôt que de vous enfermer dans le rejet silencieux.
- « Accepté-je de ressentir un malaise et un rejet sans nécessairement connaître la raison ? » Si la réponse est oui, donnez-vous la permission de vous retirer sans trouver une justification qui pourrait être injuste ou erronée. Plus tard, en recouvrant vos esprit, vous pourrez identifier ce que votre cerveau limbique était en train de vous dire.
Question émotionnelle #2 : Savez-vous comment exprimer votre dégoût sans blesser ni être blessé ?
Le dégoût a une fonction de protection viscérale, vitale, il convient d’apprendre à l’exprimer au bon moment et de la bonne manière. Voici comment :
1. Identifier la source du dégoût
Est-ce physiologique (nourriture, odeur), social (comportement d’autrui) ou moral (valeurs bafouées) ? Reconnaître la nature du dégoût permet d’adopter la bonne stratégie.
2. Exprimer son ressenti sans l’imposer aux autres
Plutôt que de sombrer dans le mépris, optez pour une communication assertive :
« Je ne me sens pas à l’aise avec ce comportement. J’ai besoin de prendre mes distances » au lieu de « C’est ridicule ! Vous êtes infect, les gens comme vous… »
3. Éviter l’accumulation et la rumination
Si un comportement ou une situation vous dégoûte profondément, verbalisez-le ou notez-le. Évitez d’entretenir les mauvaises humeurs comme le mépris, le dédain ou le cynisme en vous tenant des discours internes pour entretenir votre malaise et la rage qui l’accompagne.
4. Ventiler par une action concrète
Physiquement, le dégoût se manifeste souvent par une crispation.
Socialement, le geste le plus simple est de s’éloigner physiquement de la source du dégout.
Le moyen le plus clairement efficace et un peu moins sympa pour l’évacuer c’est de faire un « Beurk ! » sonore ou une grimace !
Bref aimons notre dégoût
Le dégoût est une boussole intérieure précieuse qui nous guide vers ce qui est bon pour nous et nous alerte de la permission de nous éloigner de ce qui pourrait nous nuire.
Mais comme toute émotion, il doit être exprimé, ventilé et intégré à notre intelligence émotionnelle pour ne pas se transformer en poison intérieur.
Alors, la prochaine fois que vous ressentez du dégoût, ne l’ignorez pas, évitez les interprétations hâtives. Écoutez ce qu’il a à vous dire et exprimez-le de manière saine.
Parce qu’après tout, notre équilibre émotionnel passe aussi par notre capacité à dire « Non, ça, je ne veux pas parce que ce n’est pas bon pour moi ! ».
[1] Paul Ekman : Emotions revealed