Voyage avec vous du sentiment à l’émotion en passant par l’humeur
Qu’est-ce qu’un sentiment ?
C’est le nom donné par un être humain à l’émotion qu’il ressent !
Ce que nous entendons par là est que le sentiment n’est que l’interprétation de l’émotion ressentie quand elle passe par la conscience. Par exemple fait-on la différence entre le désir et l’amour ?
Le désir est une réponse physiologique à un stress (désolé mais c’est le cas !), l’amour est le nom donné parfois à ce désir. Et nous faisons des choses parfois merveilleuses au nom de l’amour et d’autres souvent idiotes…
Les sentiments sont négociables et discutables puisqu’ils sont des interprétations.
Quels sentiments ne sont surtout pas des émotions ?
Il existe deux sentiments qui sont trop souvent pris pour des émotions et n’en sont pas : la honte et la culpabilité.
Voici deux pièges émotionnels dans lesquels il sera prudent de ne pas tomber ou se laisser entraîner par autrui.
Le Dr Steven Karpman[1] lors de sa venue en France en 2009 a dit aux coaches qui lui posaient la question : « …la culpabilité et la honte sont, la plupart du temps, des jeux que nous jouons avec nous-mêmes. Ce sont des alliés inconscients pour ne surtout rien changer ou remettre en cause dans nos propres mésactions »
Nous évoquons de manière extensive dans notre livre « Déjouez les pièges de la manipulation et de la mauvaise foi »[2] les arcanes des jeux psychologiques tels que Karman les décrits, souvent avec un humour ravageur !
Comment cela fonctionne-t-il avec la honte et sa complice la culpabilité ?
Je commets un acte négatif, je ressens alors de la honte ou de la culpabilité. Je me sens minable et victime de moi-même. Je m’en veux et me critique. Je suis ainsi sauvé puisque bien puni par ces vilaines émotions. Du coup, je n’ai pas à réparer puisque la honte et la culpabilité sont à la fois punition et rédemption ! L’inconscient est un sacré filou et il travaille bien quand il le faut…
Qu’est-ce qu’une humeur ?
Les humeurs sont le résultat de ce qu’Ekman appelle la rémanence de l’émotion et de ce que nous avons appelé les scénarios dans le chapitre 2 de ce livre.
Lorsqu’une personne à ressenti une forte colère, elle va l’exprimer plus ou moins consciemment et plus ou moins intensément. L’état qui suivra est une humeur qu’il conviendra de gérer. Ici l’humeur s’appellera l’irritabilité.
La rémanence de la peur s’appelle l’anxiété etc.
Un scénario de vie peut générer des humeurs, c’est à dire un terrain pour déclencher (et non plus succéder) à des émotions. En effet une croyance aura cet impact. Imaginons que je crois que les gens que je vais rencontrer me veulent du mal puisqu’ils sont grecs (et j’ai toujours pensé que les grecs me veulent du mal, ne me demandez pas pourquoi… c’est une croyance et puis c’est tout !). Je vais arriver anxieux. Je vais probablement interpréter tout ce qu’ils feront ou diront comme la preuve de ma croyance et ressentir très tôt de la peur qui aura pour effet de perdre mes moyens et me mettre sur la défensive. Suite à cela, j’aurai confirmé ma croyance initiale que les grecs me veulent du mal !
Notons que les humeurs peuvent durer des jours et des semaines et surtout qu’elles ne servent à rien. Elles n’ont aucune fonction positive pour un être humain.
NB : nous ne parlons pas ici de qu’on appelle communément la bonne humeur, qui contrairement à ce que les mots semblent dire, n’est pas une humeur.
EMOTIONS : IDEES FORCES
- L’émotion est un processus automatique déclenché par des phénomènes physiologiques liés à l’évolution de l’espèce et notre histoire personnelle lorsque nous percevons que quelque chose d’important lié à notre bien-être est en train de se produire.
- Il est dans la nature de l’émotion de ne pas être toujours identifiée comme telle et de participer à l’ignorance de l’impact qu’elle a sur nos vies.
- Nous n’avons que peu de contrôle sur nos émotions mais il est possible même si difficile d’apporter des changements sur ce qui déclenche nos émotions et nos comportements émotionnels.
- Les mots sont des représentations de l’émotion. Ils peuvent l’évoquer, la stimuler mais ne sont pas l’émotion. « Je suis en colère » n’est pas le reflet de l’émotion mais de l’image que nous en avons.
- Aujourd’hui la recherche s’active sur les mécanismes du cerveau déclencheurs et convoyeurs de l’émotion alors que nous avons déjà bien progressé sur les comportements émotionnels.
- Nous entrons dans l’émotion lorsque nous ressentons de manière justifiée ou injustifiée que quelque chose est en train, vient de ou sur le point d’affecter (de modifier) notre bien-être
- Alors qu’une émotion arrive, elle investit notre être en quelques millisecondes et nous conduit à dire ou faire quelque chose en réaction.
- Les émotions nous préparent à réagir à l’environnement sans avoir à réfléchir. Elles produisent des modifications dans certaines parties du cerveau afin que nous puissions mobiliser l’énergie requise ainsi que des changements dans notre système neveux autonome.
- Elles provoquent aussi des signaux non verbaux et para verbaux.
- Nous ne choisissons pas toujours ces signaux et ces changements, c’est le rôle de l’émotion d’y pourvoir.
En pratique :
Prenez un moment tranquille et, en vous remémorant la semaine ou la journée passée, notez sur une feuille les émotions que vous avez ressenties et les humeurs que vous avez traversées.
Nommez-les clairement en partant des cinq émotions de base identifiées par le Dr Paul Ekman, La joie, la peur, la colère, le chagrin, et le dégout/l’attraction.
Cherchez les déclencheurs et nommez-les.
Réfléchissez aux manifestations de vos émotions et humeurs et écrivez-les.
Pour finir, observez l’impact de vos émotions et humeurs sur votre environnement.
Une fois ce travail effectué, partagez tout cela avec des personnes en qui vous avez confiance. Comprendre, évoquer et partager nos émotions et humeurs permettent d’en prendre conscience et d’agir dessus.
Les raisons de la colère :
Ne confondons pas, la colère authentique, qui est déclenché par la perception d’un élément bloquant l’accès à nos objectifs, nos besoins ou nos valeurs.
Il existe trois autres formes de colère qui elles, ne sont pas des émotions mais interprétations (donc des croyances négatives) qui génèrent des comportements d’hostilités voire d’agression.
Ce sont ces trois expressions inappropriées de la colère authentique qui sont responsables en grande partie de la mauvaise réputation de cette émotion.
Ces trois expressions inappropriées de la colère sont :
- La colère persécutrice – Vous êtes nuls ! Manifestée envers ceux que nous considérons sans valeur, nous allons alors les attaquer. Cette colère dénigrant l’autre déplace le problème sans le résoudre, et, va sans doute provoquer chez nos interlocuteurs des réponses contre productives comme la fuite, la contre-attaque ou l’ignorance.
- La colère blâmante – C’est la faute aux autres/à ma femme/à mon patron/au bon Dieu ! Manifestée envers ceux que nous considérons responsables de ce que nous faisons ou ressentons. Le comportement adopté agit comme justification de notre colère. Rejetant toute responsabilité sur autrui, nous récolteront des réactions de défense ou de contre-attaque stériles.
- La colère Victime – Je ne suis pas capable ! Retournée contre soi, va se manifester sous la forme d’un cortège de complaintes et d’auto dénigrement qui éloignera ceux ou celles qui nous auraient apporté du soutien et nous confirmera dans la croyance que nous ne sommes pas capable de gérer la situation.
Peut-on vraiment changer des comportements, en particulier des comportements liés aux émotions ?
Aïe aïe aïe ! Dès qu’il s’agit de changer, les résistances sont fortes !
Dans nos séminaires, de nombreux participants viennent avec l’intention d’apprendre à modifier certains comportements. Cependant devant la difficulté de la tâche ils vont commencer à faire quelques pas en arrière et peut-être nous montrer quelques-uns des freins à la réussite que nous avons évoqués précédemment :
Ils peuvent lutter avec une croyance indémodable : « chasse le naturel et il reviendra au galop »
Si la croyance ne suffit pas, une illusion à la mode peut prendre le relais : « Le problème se résoudra tout seul »
Ils peuvent faire appel au service de sécurité du DIRP :
Le Déni : Je n’ai pas de problème en fait…
L’Isolation : Moi, c’est pas pareil… vos trucs ne fonctionnent pas dans mon cas qui est spécial.
La Rationalisation : Ce n’est pas possible de changer pour trois raisons…
La Projection : C’est les autres qui ont un problème !
Personne ne décide de changer un comportement à moins de remplir une de ces deux conditions :
- La motivation est prioritaire sur la peur ou l’effort à faire
- Le changement provoque du bien-être.
Le cerveau limbique, notre meilleur agent de changement !
Les recherches en neurosciences ont permis d’observer le cheminement des émotions dans le cerveau et leur mécanique.
Quelques idées forces à retenir :
- Le rôle principal du cerveau est de réguler, c’est à dire équilibrer, les différents systèmes du corps humain.
- Le néocortex, partie supérieure du cerveau, remplit deux fonctions principales : réceptionner les informations perceptuelles et les analyser pour gérer les réponses à donner. Il est, entre autres, le siège de la pensée claire.
- Le cerveau limbique est chargé d’interpréter les émotions et de fournir une réaction. Il répond à la mémoire émotionnelle appelée hippocampe. C’est cette dernière qui déclenche les comportements liés aux émotions en stimulant une fonction appelée amygdale. (Par celle du fond de la gorge, mais bien une fonction cérébrale très puissante) Pour faire simple, nous préfèrerons dire ici que nos réactions supposées être inconscientes sont, de fait, programmées et déclenchées par le cerveau limbique.
- Le cerveau reptilien est, comme son nom l’indique, la partie la plus primitive de notre cerveau. Il gère les facteurs essentiels de notre survie.
- Lorsque le limbique ou le reptilien sont sollicités, le néocortex est alors temporairement mis en veille. Nous perdons ainsi la pensée claire et adoptons des comportements programmés dans les parties moins conscientes du cerveau.
Il est possible de changer des comportements que nous considérons inconscients ou réflexe à condition, disions-nous plus haut, que la peur nous y pousse ou que ce changement provoque du bien-être. Le bien-être et la peur sont perçus et interprétés par les zones limbiques du cerveau. Ils échappent ainsi à la pensée claire.Tout l’enjeu consiste donc à reprogrammer les mécanismes automatiques logés dans le limbique.
Comment changer des comportements plus forts que soi ?
Pour atteindre ce résultat il faudra remplir au moins deux conditions :
- Opérer un changement conscient comme un sportif s’entraîne (par exemple, je m’entraine à dire bonjour à toutes les personnes que je croise dans la rue)
- Ce changement apporte un bien-être perçu dans mon cerveau limbique Ça ne suffira pas de trouver cela agréable… Cette satisfaction peut être purement intellectuelle et ne sera donc pas mémorisée dans l’Hippocampe, la mémoire émotionnelle. Si le cerveau limbique ne le retient pas, il n’en fera pas un « réflexe».
De la même manière, une expérience déplaisante qui aura provoqué une réaction émotionnelle forte et négative sera mémorisée par le cerveau limbique. Si elle devait se reproduire, un réflexe de défense ou de fuite serait activé par l’Amygdale. Si enfant j’ai vécu une grande humiliation en situation de prise de parole en public. La mémoire émotionnelle dans l’Hippocampe va associer la situation de prise de parole à un danger sur mon intégrité personnelle. L’Amygdale va alors donner l’ordre de se cacher, d’attaquer ou de fuir. Plus le limbique se sentira en danger plus mon TRAC sera visible.
Idée à retenir :
Il est possible d’agir sur des comportements plus forts que soi en faisant deux choses : la première modifier consciemment le comportement, la deuxième, ressentir une émotion positive associée. Le cerveau limbique se chargera d’enregistrer l’expérience et nous n’aurons plus à y réfléchir. Nos réactions intuitives seront alors plus efficaces face au danger
Jérôme Lefeuvre – Mai 2008
[1] Dr Steven Benjamin Karpman un des derniers grands chercheurs de l’école Analyse Transactionnelle a identifié la mécanique des conflits et des jeux psychologique dans un modèle appelé le Triangle Dramatique
[2] Agnese, Pierre et Lefeuvre Jérôme « Déjouez les pièges de la manipulation et de la mauvaise fois avec le triangle de Karpman » Editions Dunod – 2009